Maintenir, voire établir le dialogue social dans une Entreprise en difficulté

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par Odile Mérigaud

Ou comment trouver le juste équilibre entre l’importance de l’écoute et la nécessité d’agir rapidement et efficacement. Tel est le défi à relever en tant que Manager de transition pour éviter l’émergence de conflits sociaux difficiles à gérer.

Les médias ne rendent compte que des moments les plus dysfonctionnels des relations sociales dans notre beau pays. Les occupations d’usine, la séquestration des dirigeants ou l’épisode de la « chemise déchirée » du DRH d’Air France sont sur-médiatisés. Les interviews de dirigeants choqués ou de syndicalistes  ulcérés ne font que conforter la très mauvaise réputation du dialogue social en France.

En tant que manager de transition avec une double compétence de Directeur Juridique et de DRH, les missions qui me passionnent le plus sont celles qui comportent, entre autres challenges, la restauration du dialogue social dans l’entreprise.

Le manager de transition DRH dans ce type de mission doit relever un certain nombre de défis : restaurer la confiance, partager la vision stratégique de l’entreprise, communiquer directement auprès des salariés tout en respectant les instances représentatives, régler immédiatement toute situation source d’injustice ou d’iniquité, négocier des accords pragmatiques, innovants et comportant un compromis raisonnable….

Intervenir dans une société en difficulté c’est prendre en considération l’existence de freins spécifiques à la réussite de la mission.

Une vraie défiance

La perte de compétitivité, le manque de trésorerie, la perspective de réductions d’effectifs ont d’ores et déjà laissé des traces dans l’entreprise et l’arrivée d’un manager de transition DRH est bien souvent perçue par les salariés comme l’arrivée d’un « nettoyeur » sans scrupules.

Il convient d’être rapidement identifié comme la personne qui va réellement chercher une solution au problème qui est à l’origine de la situation difficile.

Il est primordial de clarifier sa mission. Construire une relation basée sur la confiance c’est annoncer la feuille de route qui a été définie en amont avec le client et que le manager de transition a accepté compte-tenu des moyens et des marges de manœuvre dont il dispose.

Une situation mal acceptée

Qu’il s’agisse de renégocier des accords d’entreprise pour améliorer la rentabilité, de réduire les effectifs, de transférer un site ou de préparer une fusion, il est indispensable d’amener les interlocuteurs à partager le diagnostic à l’origine de la décision et de les préparer à la nécessité d’accepter les changements.

La communication doit être immédiate, sincère et argumentée. Donner aux partenaires sociaux des informations précises, présentées de façon compréhensible par tous, faire preuve de pédagogie, être coopératifs avec les experts du CE, organiser des réunions du personnel font partie des actions à mener afin d’acquérir une crédibilité indispensable à la réussite de la mission.

Des salariés fragilisés et démotivés

Il arrive que vous ne disposiez d’aucun relais pour occuper le terrain. Le service RH peut être inexistant et vos managers dans le même état d’esprit de défiance et de démotivation que les autres membres du personnel. Etre sur le terrain, écouter les salariés, les laisser exprimer leurs peurs et leur colère est indispensable pour identifier les situations personnelles les plus délicates et prévenir des réactions conflictuelles.

Trouver le juste équilibre entre l’importance de l’écoute et la nécessité d’agir rapidement et efficacement tel est le défi à relever pour éviter l’émergence de conflits sociaux difficiles à gérer.

Des marges de manœuvre limitées

Une société en difficulté dispose le plus souvent de moyens limités ce qui ne facilite pas les négociations gagnant/gagnant.

Lors de l’acceptation d’une mission il est essentiel de valider auprès de votre client que le facteur humain sera pris en considération et que vous disposerez malgré tout de moyens suffisants pour offrir des perspectives d’avenir aux personnes concernées.

Des négociations sociales complexes

Il est évidemment plus aisé de négocier un accord sur la qualité de vie au travail dans une société in bonis qu’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi dans une société en difficulté. Les conséquences en termes de responsabilité et les indemnisations dues en cas de recours devant les tribunaux ou de refus d’homologation peuvent entraîner la faillite définitive de la société.

Il faut être particulièrement rigoureux sur la validation des aspects juridiques des accords négociés.

Des relations sociales tendues

La crainte de l’avenir exacerbe les réflexes idéologiques voire dogmatiques des partenaires sociaux.

Il est important de casser les éventuels jeux et rituels qui se sont instaurés par le passé et de rechercher la reconnaissance de sa légitimité par une attitude sereine et déterminée. Cela suppose :

  • d’accepter la propre légitimité de vos interlocuteurs et de respecter leurs prérogatives,

  • de professionnaliser vos négociations par une préparation irréprochable,

  • d’avoir identifié le pouvoir de vos différents interlocuteurs,

  • d’être loyal ce qui n’empêche pas une certaine fermeté.

Pour intervenir dans ce type de mission avec l’objectif d’établir un dialogue social respectueux, le manager de transition peut se positionner en interlocuteur-médiateur et ainsi favoriser les solutions pacifiques. Ce n’est qu’en faisant preuve de patience, d’humilité et d’ouverture d’esprit qu’il pourra mener à bien sa mission.

Odile Mérigaud